Les risques réputationnels liés à la corruption
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La corruption est probablement le facteur qui risque le plus de nuire irrémédiablement à une réputation qui fut laborieusement acquise. Le risque de réputation dû à la corruption va de pair avec d’autres risques (principalement les risques environnementaux, sociaux et de gouvernance). L’atteinte à la réputation survient lorsqu’une entreprise est prise dans un scandale de corruption auquel elle n’est pas en mesure de faire face.
L’émergence de la conformité aux normes en matière de lutte contre la corruption
Les citoyens de tous les pays du monde continuent de considérer les dirigeants d’entreprises et les politiciens comme étant corrompus. La corruption ébranle les fondements de la société dans son ensemble, affaiblit la confiance dans les institutions publiques et détruit la foi dans le leadership démocratique.
Bien que la corruption ait été critiquée au cours de l’histoire et parmi les cultures, comme d’autres crimes, elle est devenue de plus en plus subtile au cours des dernières décennies. Cette évolution a des effets dévastateurs sur le bien-être et la dignité de nombreuses personnes innocentes.
La corruption, les pots-de-vin, la fixation des prix, la manipulation financière systémique, les déversements de produits toxiques et les inconduites commerciales ont des conséquences tragiques et de grandes portées pour les victimes individuelles ainsi que pour la société dans son ensemble.
Les amendes pour les inconduites commerciales ont atteint des niveaux astronomiques qui étaient inconcevables il y a quelques années. Aujourd’hui, les dirigeants et les administrateurs sont également tenus responsables à titre personnel pour l’inconduite commise.
Les conseils d’administration des entreprises internationales et de celles qui cherchent à étendre leur présence mondiale sont constamment exposés à des risques politiques, économiques, fiscaux, réglementaires et juridiques qui ne cessent d’évoluer. Ils doivent évaluer ces risques dans le cadre de leurs activités opérationnelles et de leurs expansions. Ils sont souvent confrontés au défi additionnel de devoir gérer en temps réel les actions des gouvernements étrangers et de leurs régulateurs. Ces derniers peuvent être influencés par des motifs non éthiques, la politique, la culture et les systèmes de valeurs ancrés dans les marchés étrangers, mais inconnus des sièges sociaux des entreprises. Il faut donc un ensemble adéquat de politiques, de protocoles et de tous autres mécanismes pour être en mesure d’identifier ces menaces puis d’y remédier.
- Votre conseil d’administration est-il structuré de manière à répondre aux exigences continuelles de votre présence géographique, à utiliser les outils à sa disposition et à faire preuve de vigilance pour assurer une surveillance fiable?
- Comment votre conseil d’administration prend-il des décisions éclairées et évalue-t-il les conséquences financières de ces risques?
- Sur qui votre conseil d’administration s’appuie-t-il et comment obtient-il des informations véridiques, indépendantes et bien fondées par des canaux formels ou informels dans les cas où il ne peut être présent physiquement?
L’aspect le plus difficile concernant la conformité à la lutte contre la corruption est de s’assurer de son intégration au sein des opérations de l’entreprise et de la stratégie commerciale globale. Tout comme les règlements de sécurité, ils sont seulement efficaces dans la mesure où ils sont acceptés, compris et mis en œuvre par tous. Les procédures en matière d’anticorruption exigent que les employés acceptent et apprécient leur efficacité afin de garantir une mise en œuvre appropriée.
Malgré le fait que des personnes talentueuses dotées des meilleures intentions conçoivent des procédures de conformité en matière d’anticorruption, elles sont confrontées à des individus audacieux qui peuvent être très créatifs pour contourner les règles de l’entreprise. Il est donc nécessaire de s’interroger régulièrement sur notre manière d’aborder la question. La conformité doit évoluer continuellement pour s’adapter aux méthodes changeantes utilisées par les criminels.
La lutte contre la corruption et la fraude est une bataille sans fin. Afin de suivre les tendances mondiales en matière de fraude, la dissuasion de la fraude doit se faire avec détermination et persévérance.
Mesures prises par la gouvernance pour répondre aux rumeurs de corruption
Les membres des conseils d’administration des entreprises consacrent beaucoup de temps à la surveillance et à l’établissement de stratégies financières. Par contre, ils poursuivent ces objectifs en négligeant souvent les mesures nécessaires pour protéger et promouvoir leurs actifs intangibles les plus importants – leur culture et leur réputation. Les effets négatifs des rumeurs de corruption peuvent souvent être aussi problématiques que des accusations évidentes ou même des condamnations. De nombreux dénonciateurs se tournent maintenant vers les médias sociaux pour dénoncer les comportements non éthiques des entreprises, ce qui se traduit par une couverture médiatique négative et un procès dans les médias sociaux.
Les conseils d’administration des entreprises doivent évaluer l’impact réel ainsi que potentiel que causeront les allégations de corruption et de toute autre inconduite sur le prix de leurs actions, y compris sur la capitalisation boursière de leur entreprise. De nombreux exemples récents démontrent que de simples allégations de corruption, même si elles ont eu lieu au cours des dix dernières années, peuvent faire chuter le prix des actions par plus de cinquante pour cent.
Les administrateurs et les dirigeants d’entreprise ont trois obligations juridiques fondamentales : l’obligation de diligence, l’obligation de loyauté et l’obligation de légalité. L’obligation de diligence des administrateurs et des dirigeants d’entreprise est une branche particulière de l’obligation de diligence découlant des règles de droit portant sur la notion de négligence. Les lois s’appuient sur des règles de morale, des politiques et des propositions expérimentales. Le droit de la négligence ne fait pas exception à la règle. Sa proposition morale est que si une personne assume un rôle dont l’exécution comporte un risque qui affecte les autres, cette personne a l’obligation morale de remplir ce rôle avec diligence. Par conséquent, les administrateurs et les dirigeants d’entreprises sont tenus de prendre des mesures pour réduire positivement les risques, ainsi une omission peut être fautive.
Sur cette base de la culpabilité morale, le droit de la négligence a établi une structure de culpabilité ou de responsabilité légale. La structure du blâme juridique en vertu du droit de la négligence est généralement parallèle à la structure du blâme moral. Les fonctionnaires sont impliqués dans la gouvernance par définition et leurs décisions ont souvent des effets négatifs sur les autres. Lorsque des fonctionnaires sont menacés de responsabilité personnelle pour des actes commis dans le cadre de leurs fonctions officielles, ils peuvent être amenés à agir avec un excès de prudence ou à biaiser leurs décisions de manière à ne pas être totalement fidèles aux critères objectifs et indépendants qui devraient guider leur conduite (c’est-à-dire à dévier vers la corruption).
Il existe de nombreuses études de cas qui évaluent l’impact que peut avoir la perte de confiance des principales parties prenantes à la suite de rumeurs et d’allégations publiques. Ces parties prenantes peuvent être le public et les investisseurs institutionnels, mais elles peuvent aussi inclure des clients existants et potentiels. Les investisseurs institutionnels sont particulièrement sensibles aux violations (ou aux rumeurs) liées à la conformité des entreprises faisant partie de leur portfolio financier. Par exemple, le plus grand fonds de pension du monde (le fonds de pension du gouvernement norvégien) a exclu la société de télécommunications ZTE du financement en raison d’un prétendu comportement de corruption.
Les autorités internationales commencent à établir un registre des multiples condamnations dont font l’objet diverses entreprises et enregistre les diverses pénalités, calculant plusieurs millions de dollars qui furent octroyés en conséquence des inconduites. Les récentes poursuites pénales contre des individus ont également fait prendre conscience aux dirigeants qu’ils devront eux aussi faire face aux sévères conséquences découlant des violations des lois anticorruption, notamment la loi américaine intitulée Foreign Corrupt Practices Act (FCPA) ou la loi canadienne sur la corruption d’agents publics étrangers (LCAPE). Dans le cadre du régime d’intégrité canadien (une politique gouvernementale visant à garantir que le gouvernement conclut des contrats seulement avec des entreprises qui sont éthiques), les entreprises qui font des affaires avec le gouvernement risquent également d’être suspendues ou exclues lorsqu’elles sont accusées ou condamnées en vertu de la LCAPE ou de lois étrangères similaires en matière de lutte contre la corruption.
Au plan international, divers cas ont démontré que les organismes chargés de l’application de la loi vont continuer à surveiller les programmes de conformité aux lois anticorruption et de lutte contre la fraude. Ces organismes portent probablement des accusations contre des individus, puis des entreprises, lorsque les violations résultent d’une conduite délibérée ou imprudente. En particulier, les organismes chargés de faire appliquer la loi peuvent porter des accusations contre des entités ou des individus lorsque ceux-ci ne parviennent pas à garantir de manière adéquate l’existence d’un programme efficace de lutte contre la corruption, ce qui a pour conséquence de ne pas empêcher les violations de la loi.
Par conséquent, les membres du conseil d’administration et les dirigeants doivent protéger leur organisation ainsi qu’eux-mêmes, en instaurant efficacement un programme de conformité en matière de lutte contre la corruption. Ils doivent aussi maintenir des procédures efficaces en matière de détection et d’enquête, notamment en améliorant continuellement l’efficacité de tout programme de conformité aux règles anticorruption existantes.
Conformité vs éthique
Alors que la « conformité » implique le respect des lois et des règles qui s’appliquent à votre organisation, l’« éthique » va au-delà de ce que la loi exige. Elle consiste à faire ce qui est juste ainsi qu’à respecter l’esprit et non pas seulement la lettre de la loi. Certains considèrent qu’une bonne éthique d’entreprise est la licence sociale permettant de fonctionner avec succès.
Les règles sont importantes, mais la culture et l’éthique le sont encore plus. Les organisations peuvent avoir des ressources, des processus et des politiques écrits et accessibles, sur lesquels leurs employés sont formés. Cependant, si l’organisation a une mauvaise culture, aucun de ses contrôles, de ses politiques ou de ses procédures n’aura d’importance. Au contraire, les organisations ayant une culture médiocre ont tendance à voir leurs employés agir d’une manière qui nuit à la réputation de l’organisation, augmentent le risque de non-conformité et agissent d’une manière qui peut mener à des comportements illégaux. Ce qui est écrit sur un document a de la valeur uniquement si les personnes tenues de le respecter y croient, le mettent en œuvre et veillent à son exécution.
Les défis relatifs à l’intégrité
Les organisations ne peuvent pas contrôler l’intégrité des individus, mais elles peuvent certainement l’influencer.
La culture organisationnelle influence l’intégrité des employés qui sont soit indécis, soit susceptibles de rationaliser les actes répréhensibles lorsque la culture encourage l’aveuglement volontaire, permet l’ignorance des politiques et des contrôles, ou encourage le contournement de ces contrôles par des objectifs commerciaux déraisonnables et récompense le succès sous toutes ses formes.
Aucun contrôle, programme de conformité ou culture organisationnelle ne peut éliminer ou empêcher totalement les personnes non intègres de commettre des actes répréhensibles. Cependant, l’absence de ces facteurs augmente considérablement la capacité des malfaiteurs à agir en toute impunité. Tandis que la forte présence de ces facteurs augmente considérablement la probabilité de prévenir et de détecter les actes répréhensibles, tout en fournissant une base pour atténuer leurs impacts ainsi que leurs conséquences pour l’organisation. Les gens adoptent souvent l’état d’esprit de la majorité et ont tendance à y adhérer.
La non-conformité augmente sérieusement le risque de poursuites juridiques et la responsabilité. Elle déprécie la valeur des fusions, des acquisitions et des coentreprises. Elle risque également de causer préjudice à la marque de commerce, de miner la confiance, d’augmenter les possibilités de poursuites et de menacer le développement durable de l’entreprise.
En plus de la culture organisationnelle, les chefs d’entreprise et les leaders d’opinion doivent également réfléchir au rôle que la cupidité, l’égoïsme, l’ambition aveugle, le désir irraisonné de reconnaissance ou même l’anxiété liée aux performances peuvent exercer dans le processus de rationalisation de la non-conformité.
Ces dirigeants doivent être proactifs et doivent ainsi faire preuve d’une diligence continuelle dans leurs efforts pour atténuer les risques individuels et organisationnels.
L’établissement d’un programme de conformité pour les entreprises n’est plus seulement « agréable à avoir », mais est plutôt une « obligation absolue »
Au cours des dernières années, nous avons observé une importante amélioration de la collaboration internationale en matière d’application de la législation par diverses autorités. Non seulement cela permet de conclure plus rapidement les cas de corruption internationale, mais cela envoie aussi un message clair aux auteurs potentiels : les risques de se faire prendre sont plus grands.
Avec tous les débats publics concernant les scandales de corruption et l’impact majeur des sanctions telles que l’exclusion, la surveillance et l’imposition de sévères sanctions pécuniaires, les dirigeants qui continuent à ignorer la corruption risquent non seulement d’exposer l’incapacité de leur organisation de mettre en œuvre des programmes efficaces pour lutter contre la corruption, mais démontrent aussi qu’ils agissent de manière négligente et mettent en jeu l’avenir de leur entreprise ainsi que celui des employés.
La non-conformité et l’exécution de méthodes de gestion non éthique causent des répercussions catastrophiques sur la réputation ainsi que sur la situation financière des entreprises. En effet, l’exposition médiatique des cas tels que SNC-Lavalin, Bombardier Transport, Volkswagen, Valeant, Petrobras et d’autres entreprises a grandement contribué à sensibiliser la communauté financière à s’intéresser de plus en plus au développement durable des entreprises faisant partie de leurs portfolios financiers. De plus, les investisseurs portent maintenant une attention particulière à la manière dont l’éthique et la conformité sont intégrées au sein de la culture organisationnelle de l’entreprise. Les investisseurs institutionnels exigent davantage de preuves concernant l’efficacité des programmes de conformité avant de procéder à des investissements importants dans les sociétés figurant dans leur portfolio.
L’établissement d’un programme de conformité pour les entreprises n’est plus seulement « agréable à avoir », mais est plutôt une « obligation absolue » pour toutes les entités. Étant donné que de nombreuses parties prenantes exigent des programmes de conformité rigoureux, les entreprises qui adoptent l’éthique et la conformité en émergeront avec un avantage concurrentiel.
Les cadres supérieurs doivent communiquer le comportement exemplaire approprié et doivent s’assurer que le comportement éthique sera pris en considération comme une composante du processus d’évaluation des performances des cadres intermédiaires et supérieurs. De même, il devrait y avoir une politique de tolérance zéro pour les violations, même si elles peuvent avoir une incidence sur les cadres supérieurs et les autres « hauts responsables ».
Un élément clé pour le succès d’un programme de conformité doit toujours être une évaluation approfondie des risques de conformité, prenant en considération l’empreinte géographique des entreprises, le secteur d’activité, les interactions gouvernementales, les activités frauduleuses du passé, les violations de politiques du passé, les relations avec les tiers et les modèles commerciaux mondiaux. Ces éléments ne sont que quelques-uns des facteurs qui doivent être pris en compte pour une évaluation approfondie des risques de conformité.
Le responsable de la conformité ou son équivalent est en mesure de concevoir des mesures efficaces d’atténuation des risques uniquement lorsque ces derniers sont clairement identifiés. Ces mesures contribuent ainsi à prévenir les activités de corruption. Cette évaluation des risques doit être répétée régulièrement, afin de tenir compte des changements dans l’environnement du marché respectif ainsi que de toutes les autres modifications des paramètres liés aux risques associés.
La prévention des activités de corruption dépend grandement des mesures précises d’atténuation des risques et commence par une sensibilisation suffisante de toutes les parties prenantes de l’entreprise. Plus les gens sont informés des facteurs qui contribuent à la corruption, plus il est difficile pour les personnes corrompues de poursuivre leurs pratiques contraires à l’éthique.
Former les cadres en matière de lois anticorruption – Pratiques exemplaires
Les bons stratèges gèrent l’incertitude en jouant sur les probabilités, mais trop de dirigeants font des vœux pieux lorsqu’il s’agit de se conformer à la législation en matière de lutte contre la corruption. Jouer sur les probabilités, c’est comprendre les chances du succès. Seule une entreprise sur douze parvient à atténuer l’exposition au risque réputationnel résultant de la non-conformité qui, à son tour, entraîne un niveau élevé d’exposition à ce risque.
La non-conformité peut nuire à la marque de commerce, miner la confiance, augmenter les possibilités d’enquêtes et de poursuites judiciaires, ainsi que menacer le développement durable. Les dirigeants doivent être proactifs et continuellement diligents dans leurs efforts pour atténuer les risques individuels de même que les risques organisationnels.
Les conseils d’administration des entreprises doivent faire face aux changements brusques des attentes en matière de conformité et des exigences des parties prenantes envers une surveillance accrue et efficace. Les administrateurs doivent ainsi apprendre à comprendre les changements pour être en mesure de satisfaire aux demandes importantes.
Lors de la formation des cadres concernant les lois d’anticorruption, nous devons leur faire comprendre que les conseils d’administration et les cadres supérieurs doivent faire beaucoup plus qu’un simple « survol » annuel de leurs programmes de conformité pour la lutte contre la corruption. Ils doivent être proactifs s’ils s’attendent à ce que les organismes de réglementation concluent que leur programme répond à la définition gouvernementale d’« efficace ».
Les conseils d’administration doivent maîtriser tous les éléments du programme de conformité, ils doivent interagir régulièrement avec le personnel chargé de la conformité et le personnel juridique. Ils doivent ainsi recevoir en temps opportun les informations sur le programme, sur le personnel chargé de sa gestion et de son fonctionnement. Les administrateurs et les cadres supérieurs doivent comprendre que tout manquement à la conformité est une chose pour laquelle ils peuvent être tenus responsables.
L’existence de politiques et de procédures adéquates n’offre pas une défense complète contre des accusations de corruption, mais peut être un outil utile pour négocier avec les autorités ou pour éviter des poursuites contre l’entreprise. En outre, comme la responsabilité peut également découler d’un « aveuglement volontaire », l’existence de politiques et de procédures de lutte contre la corruption peut être utile pour réfuter toute conclusion selon laquelle une entreprise ou ses dirigeants ont ignoré la corruption. Des actes répréhensibles peuvent se produire même si une entreprise a tenté de prévenir la corruption, mais sa bonne volonté sera bénéfique pour réduire les sanctions imposées.
La haute direction doit non seulement donner le ton, mais aussi l’élargir par sa conduite. Le conseil d’administration et les cadres supérieurs doivent donner le ton dans leurs communications à l’interne comme à l’externe. Mais ce ton doit être associé à des actions cohérentes de la part du conseil d’administration et de la haute direction. En effet, ils doivent signaler que l’éthique et la conformité sont une priorité absolue et que l’entreprise s’engage à exécuter ses opérations commerciales avec bonne foi. Ils doivent prêcher d’exemple, notamment en abandonnant les activités commerciales et les relations qui ne sont pas conformes à l’éthique organisationnelle de l’entreprise. C’est ainsi que le ton de la direction devient la conduite de celle-ci.
Lorsque nous formons les conseils d’administration et les cadres supérieurs sur les lois anticorruption, nous devons également leur faire comprendre qu’ils ne peuvent pas contrôler l’intégrité des individus, mais qu’ils peuvent certainement l’influencer. La culture organisationnelle influence l’intégrité des employés qui sont soit indécis, soit susceptibles de rationaliser les actes répréhensibles lorsque la culture encourage l’aveuglement volontaire, permet l’ignorance des politiques et des contrôles, ou encourage le contournement de ces contrôles par des objectifs commerciaux déraisonnables et récompense le succès sous toutes ses formes.
Enfin, les conseils d’administration et les cadres supérieurs doivent être conscients qu’aucun contrôle, programme de conformité ou culture organisationnelle ne peut éliminer ou empêcher totalement les personnes sans intégrité de commettre des actes répréhensibles. Cependant l’absence de ces facteurs augmente considérablement la capacité des malfaiteurs à agir en toute impunité. Toutefois, la forte présence de ces facteurs augmente considérablement la probabilité de prévenir et de détecter les actes répréhensibles, tout en fournissant une base pour atténuer leurs impacts ainsi que leurs conséquences pour l’organisation.
Comment établir un rigoureux programme d’éthique et de conformité
Global Compact Network Canada a publié Designing an Anti-Corruption Compliance Program - A Guide for Canadian Businesses, qui suggère que pour avoir un programme de conformité efficace, certaines questions très importantes doivent être abordées, puis recevoir des réponses documentées :
- Le PDG possède-t-il les compétences et l’expérience requises pour faire avancer l’organisation?
- Le PDG possède-t-il le caractère et la moralité nécessaires pour donner l’exemple et contribuer au développement d’une entreprise et d’une stratégie centrées sur les valeurs?
- Le PDG possède-t-il la capacité et les compétences de communication nécessaires pour inciter d’autres personnes à mettre en œuvre avec succès et de manière cohérente les valeurs proposées par l’organisation à toutes les parties prenantes?
- L’organisation soutient-elle la culture éthique et le programme de conformité à la lutte contre la corruption par l’entremise de la formation et de la communication, ce qui implique de permettre aux employés de soulever les questions d’éthique, de conformité et de lutte contre la corruption sans crainte de représailles?
- Quel est le processus d’évaluation des risques liés à la conformité à l’éthique et à la lutte anticorruption au sein de l’organisation?
- Ont-ils mis à jour leurs politiques, procédures et contrôles internes pour faire face aux risques émergents (par exemple, le cyberrisque, la lutte contre la corruption)?
- Le programme actuel de conformité à l’éthique et de lutte contre la corruption couvre-t-il les opérations globales de l’organisation, y compris la direction, les employés, les actionnaires, les clients, les sous-traitants, les partenaires commerciaux et les fournisseurs?
- L’organisation a-t-elle à son service un responsable de l’éthique et de la conformité?
- Un processus de signalement et de surveillance permet-il de tenir le conseil d’administration informé des principaux problèmes concernant la conformité en matière d’éthique et de lutte anticorruption, ainsi que des mesures prises pour y remédier?
- Les questions relatives à la conformité aux règles d’éthique et de lutte anticorruption figurent-elles régulièrement à l’ordre du jour des rencontres du conseil d’administration?
Conclusion
Voici quelques suggestions pragmatiques qui peuvent être utiles aux membres du conseil d’administration et aux cadres supérieurs :
- Il est essentiel de faire preuve d’un leadership en matière de transparence et d’intégrité.
- Il est essentiel d’adopter de rigoureuses mesures anticorruption et de former le personnel régulièrement.
- Le service de conformité doit répondre directement au directeur général et se rapporter au conseil d’administration.
- En cas d’anomalies, il faut procéder rapidement à une vérification en juricomptabilité et à une enquête externe, et si des infractions criminelles sont découvertes, il faut les signaler aux autorités compétentes.
- Veillez à ce que la rémunération du personnel ne soit pas une incitation à vendre des contrats à tout prix.
- Précisez dans la documentation qu’il s’agit d’une entreprise « intègre » qui ne verse pas de pots-de-vin – il a été démontré que cela a un effet dissuasif sur les demandes de pots-de-vin.
- Inclure dans la vérification externe un examen de la conformité aux mesures de lutte contre la corruption.
- Assurer une transparence complète dans la gestion des contrats.
- Publier l’identité des véritables propriétaires effectifs de leur entreprise et de leurs filiales.
- Se méfier des prix de transfert et de l’évasion fiscale, car ils créent un appauvrissement dans les pays où l’entreprise travaille, notamment dans le secteur des ressources naturelles et dans les pays les plus pauvres.
Le défi pour les CPA qui occupent des postes de cadres ou de membres de conseils d’administration est d’avoir de l’éthique dans un monde où les lignes directrices en matière de comportement sont constamment imprécises, de sorte que le bien et le mal absolus ne semblent plus s’appliquer.
À propos de l’auteur
Marc Y. Tassé, MBA, CFF, CPA, CA, FCPA(USA), CFS(USA), CICA(USA), CACM(USA), est juricomptable et expert de renommée internationale dans le domaine de la lutte contre la corruption, le blanchiment d’argent et la fraude. Il examine la criminalité financière sous différents angles : ce qui motive les gens à enfreindre la loi, la manière dont les malfaiteurs couvrent leurs traces et ce qui peut être fait pour mettre un terme au pillage.
Enseignant au programme de MBA de l’École de gestion Telfer et à la Faculté de droit, Section common law, de l’Université d’Ottawa, il a également remporté de nombreux prix. Ses recherches actuelles portent sur les effets réels et potentiels des allégations de corruption et d’information financière inappropriée sur la capitalisation boursière des sociétés cotées en bourse.